9

En pénétrant dans la maison de Wetterstedt, Wallander y retrouva Nyberg et ses collaborateurs. Ils avaient remué des tonnes de sable sans parvenir à identifier l’endroit où le crime avait été commis. Quand la pluie était revenue, Nyberg avait aussitôt fait remettre les bâches. Il n’y avait plus qu’à attendre que le temps devienne plus clément. De retour dans cette maison, Wallander eut le sentiment que les informations de Sara Björklund sur son erreur et sur la grosse voiture noire lui avaient permis de percer un petit trou, petit, certes, mais un trou quand même, dans l’écorce du parfait Wetterstedt. Elle avait vu quelque chose que personne n’était censé voir. C’était la seule explication de la colère de Wetterstedt et du fait qu’au lieu de la licencier il ait fait comme si de rien n’était. La colère et le silence n’étaient que les deux faces d’un même comportement.

Nyberg était en train de boire du café dans la salle de séjour de Wetterstedt. Wallander aperçut sa bouteille Thermos, posée sur une chaise recouverte d’un papier journal. Elle paraissait très vieille et lui rappelait les années cinquante.

— Nous n’avons toujours pas trouvé ton lieu du crime, dit Nyberg. Et pour le moment, plus moyen de fouiller, puisqu’il pleut.

— Je comptais chercher encore un peu dans son bureau, dit Wallander.

— Hansson a téléphoné. Il a parlé aux enfants de Wetterstedt.

— Seulement maintenant ? Je croyais qu’il l’avait fait depuis longtemps.

— Je n’en sais rien. Je ne fais que te répéter ce qu’il a dit.

 Wallander alla s’asseoir dans le bureau. Il dirigea la lampe de manière à ce qu’elle éclaire le plus largement possible. Puis il ouvrit un des tiroirs de gauche. Il y trouva une photocopie de la dernière déclaration de revenus de Wetterstedt. Il la posa devant lui sur le bureau. Wetterstedt avait déclaré un revenu de près d’un million de couronnes. En parcourant la déclaration, Wallander vit que ses sources principales de revenus étaient sa propre épargne-retraite privée et des dividendes d’actions. Il constata, à la lecture d’un compte rendu de la commission des actions en Bourse, que Wetterstedt avait des actions dans la grande industrie traditionnelle suédoise. Il avait investi dans Ericsson, Asea Brown Boveri, Volvo et Rottneros. En dehors de ces revenus, Wetterstedt avait déclaré une retraite du ministère des Affaires étrangères, et des droits d’auteur des éditions Tiden. Sous la rubrique « fortune personnelle », Wetterstedt avait déclaré cinq millions. Wallander inscrivit ces chiffres dans sa mémoire. Il remit la déclaration à sa place et ouvrit le tiroir suivant. Il contenait un album de photos. Voilà les photos de famille qui manquaient à Ann-Britt, se dit-il. Il posa l’album sur le bureau et l’ouvrit à la première page. Il le parcourut page après page avec un étonnement croissant. L’album était rempli de photographies pornographiques anciennes. Quelques clichés étaient extrêmement osés. Et certaines pages avaient été plus souvent ouvertes que d’autres. Wetterstedt avait une préférence pour celles où les modèles étaient très jeunes. On frappa à la porte d’entrée. Martinsson entra. Wallander le salua de la tête et lui montra l’album du doigt.

— Il y en a qui font collection de timbres, dit Martinsson. D’autres collectionnent ce genre d’images.

Wallander referma l’album et le remit dans le tiroir.

— Un avocat du nom de Sjösten a téléphoné de Malmö. Il nous a signalé qu’il avait le testament de Gustaf Wetterstedt. Ça représente pas mal de sous. Je lui ai demandé si le testament mentionnait des héritiers inattendus. Mais tout revient aux légitimes. D’autre part, Wetterstedt a créé une fondation dont le but est d’aider les jeunes juristes. Mais l’argent de la fondation, ça fait longtemps qu’il l’a placé, il a même payé des impôts dessus.

— Donc, nous savons au moins ça : Gustaf Wetterstedt était un homme riche. Pourtant, son père n’était-il pas docker ?

— Svedberg travaille sur sa biographie, dit Martinsson. J’ai entendu dire qu’il avait retrouvé un ancien secrétaire du parti qui a une bonne mémoire et beaucoup de choses à raconter sur Gustaf Wetterstedt. Mais je suis venu te voir à propos de la fille qui s’est suicidée dans le champ de colza de Salomonsson.

— Tu l’as retrouvée ?

— Non. Mais l’ordinateur m’a donné plus de deux mille propositions pour la combinaison de lettres. Ça fait un listing assez long.

Wallander réfléchit. Que faire maintenant ?

— Il va falloir passer par Interpol, dit-il. Et comment elle s’appelle déjà, la nouvelle organisation ? Europol ?

— Exact.

— Envoie-leur une demande de vérification avec le signalement de la fille. Demain, il faudra prendre une photo de la médaille. La Vierge Marie. Même si les vagues que produit la mort de Wetterstedt submergent tout, essayons de faire paraître cette photo dans les journaux.

— J’ai montré la médaille à un joaillier, dit Martinsson. Il m’a confirmé que c’était de l’or.

— Quelqu’un va bien finir par se demander où cette fille est passée, dit Wallander. C’est très rare que des gens n’aient absolument pas de famille.

Martinsson bâilla et demanda à Wallander s’il avait encore besoin d’aide.

— Pas ce soir, dit-il.

Martinsson quitta la maison. Wallander continua à fouiller le bureau une heure encore. Puis il éteignit la lumière et resta assis dans l’obscurité. Qui était Gustaf Wetterstedt ? se demandait-il. L’image que j’en ai est encore très floue.

Subitement, Il eut une idée. Il alla dans la salle de séjour et chercha un nom dans l’annuaire. Il n’était pas encore vingt et une heures. Il appela le numéro, on répondit presque aussitôt. Il expliqua qui il était et demanda s’il pouvait passer. Puis il raccrocha après cette brève conversation. Il prévint Nyberg, au premier étage, qu’il repasserait plus tard dans la soirée. Quand il sortit, il soufflait de fortes rafales de vent. La pluie lui cinglait le visage. Il courut jusqu’à sa voiture pour ne pas être trempé. Puis il roula vers le centre-ville et s’arrêta devant un immeuble à proximité de l’école d’Österport.

Il sonna à l’interphone et la porte s’ouvrit. Quand il arriva au deuxième étage, Lars Magnusson l’attendait sur le pas de sa porte, en chaussettes. De l’intérieur parvenait une belle musique jouée au piano.

— Ça fait un bout de temps, dit Lars Magnusson en serrant la main de Wallander.

— Oui, répondit Wallander. Ça doit faire plus de cinq ans qu’on ne s’est pas vus.

Autrefois, Lars Magnusson avait été journaliste. Après avoir travaillé quelques années pour l’Expressen, il en avait eu assez de la grande ville et était retourné à Ystad, sa ville natale. Wallander et lui s’étaient rencontrés par l’intermédiaire de leurs femmes. Ils avaient notamment remarqué qu’ils avaient une passion commune pour l’opéra. Nombre d’années plus tard, après sa séparation d’avec Mona, Wallander avait découvert que Lars Magnusson était alcoolique au dernier degré. Un soir, il s’était attardé au commissariat de police quand une patrouille de police avait amené Lars Magnusson. Il était tellement ivre qu’il ne tenait plus debout. Il avait conduit sa voiture dans cet état et était entré tout droit dans la vitrine d’une banque, après avoir perdu le contrôle de son véhicule. On l’avait condamné à six mois de prison ferme. À son retour à Ystad, il n’avait plus jamais mis les pieds au journal. Sa femme s’était lassée de leur couple sans enfants et l’avait quitté. Lui avait continué à boire, tout en évitant de dépasser les limites. Après avoir abandonné son métier, il avait gagné sa vie en inventant des combinaisons d’échecs pour plusieurs journaux. S’il n’était pas encore totalement détruit par la boisson, c’était parce qu’il se forçait à ne boire son premier verre qu’après avoir créé au moins une partie. Maintenant qu’il avait un fax, il n’avait même plus besoin d’aller à la poste. Il pouvait envoyer ses combinaisons directement de chez lui.

Wallander entra dans le modeste appartement de Lars Magnusson. À l’odeur, il devina qu’il avait bu. Une bouteille de vodka trônait sur la table basse devant le canapé. Mais il n’y avait pas de verre.

Lars Magnusson était un peu plus âgé que lui. Sa tignasse grise tombait sur son col de chemise sale. Son visage était rouge et bouffi. Mais Wallander constata qu’il avait le regard étrangement clair. Personne n’avait jamais eu de raison de douter de l’intelligence de Lars Magnusson. On disait d’ailleurs que les éditions Bonniers avaient failli publier un recueil de poèmes qu’il avait écrits, mais qu’au dernier moment Lars Magnusson l’avait retiré, en remboursant la petite avance qu’il avait obtenue.

— Tu débarques à l’improviste, dit-il. Assieds-toi. Qu’est-ce que je peux t’offrir ?

— Rien, dit Wallander en s’installant sur le canapé après avoir écarté un tas de journaux.

Sans la moindre gêne, Lars Magnusson but une gorgée au goulot et s’assit en face de Wallander. Il avait baissé la musique.

— Ça fait longtemps, dit Wallander. J’essaie de me souvenir quand.

— Au magasin des vins et spiritueux. Ça fait presque cinq ans. Tu achetais du vin, et moi j’achetais tout le reste.

Wallander hocha la tête. Il se souvenait.

— Pas de problème pour ce qui est de ta mémoire, dit-il.

— Elle ne s’est pas encore dissoute dans l’alcool. Je la garde pour la fin.

— Tu n’as jamais songé à arrêter ?

— Tous les jours. Mais je suppose que ce n’est pas pour me convaincre d’arrêter de boire que tu es venu me voir.

— Tu as certainement lu dans les journaux que Gustaf Wetterstedt a été assassiné ?

— J’ai vu ça à la télé.

— J’ai le vague souvenir que tu m’as parlé de lui un jour. Des rumeurs de scandales qui tournaient autour de lui. Mais qui finissaient toujours par être étouffées.

— Ce qui était d’ailleurs le plus grand de tous les scandales.

— J’essaie de comprendre qui il était. Je me suis dit que tu pourrais m’aider.

— La question est seulement de savoir si tu veux entendre des rumeurs non vérifiées ou si tu veux savoir la vérité. Je ne suis pas bien certain de pouvoir faire la distinction.

— Il est rare que les rumeurs soient totalement sans fondement, dit Wallander.

Lars Magnusson repoussa la bouteille de vodka, comme s’il avait décidé d’un seul coup qu’elle était trop près de lui.

— J’ai commencé à travailler à quinze ans comme apprenti dans un des journaux de Stockholm, dit-il. C’était au printemps 1955. Il y avait un vieux rédacteur du nom de Ture Svanberg, qui travaillait la nuit. Il était à peu près aussi poivrot que je ne le suis maintenant. Mais il faisait son travail de manière impeccable. En plus, il avait du génie pour rédiger des gros titres qui faisaient vendre. Il ne supportait pas les textes bâclés. Je me souviens encore de la colère qu’il a piquée une fois à cause d’un reportage vite fait mal fait : il a déchiré les feuillets en mille morceaux et il les a mangés. Il a mâché les morceaux de papier. Puis il a dit : « Ça ne mérite pas de sortir autrement que comme de la merde. » C’est Ture Svanberg qui m’a appris le métier. Il disait qu’il existait deux types de journaliste. « Il y a le journaliste qui creuse pour trouver la vérité. Il est au fond du trou et il sort des pelletées de terre. Mais au-dessus de lui, il y en a un autre qui rebalance la terre au fond. Il est journaliste lui aussi. Et entre ces deux-là c’est la guerre permanente. Tu as des journalistes qui veulent dévoiler, dénoncer. Tu en as d’autres qui jouent le jeu du pouvoir et qui travaillent à masquer ce qui se passe vraiment. » Et c’était vrai. Je l’ai très vite compris, même si je n’avais que quinze ans. Les hommes de pouvoir s’entourent toujours de sociétés de nettoyage et de fossoyeurs symboliques. Bon nombre de journalistes n’hésitent pas à vendre leur âme pour jouer leur jeu. À rebalancer la terre au fond. Enfouir les scandales. Faire prendre l’apparence pour la réalité, entretenir l’illusion d’une société propre.

Avec une grimace, il reprit la bouteille et en but une gorgée. Wallander vit qu’il se tenait le ventre après avoir bu.

— Gustaf Wetterstedt, dit-il. Que s’est-il passé vraiment ?

Lars Magnusson sortit un paquet de cigarettes froissé de sa poche de chemise. Il en alluma une et souffla un nuage de fumée.

— Des putains et de l’art. Tout le monde savait que le bon Gustaf faisait monter chaque semaine une fille dans son petit appartement de Vasastan, appartement dont sa femme ignorait l’existence. Il avait un employé personnel qui s’occupait de tout ça. J’ai entendu dire que ce type était dépendant à la morphine, et que Wetterstedt se procurait la drogue. Il avait beaucoup d’amis médecins. Qu’il couche avec des prostituées n’était pas un sujet pour les journaux. Ce n’était ni le premier ni le dernier ministre suédois à le faire. Mais il serait intéressant de savoir si c’est l’exception ou la règle. Il m’arrive de me le demander. Mais un jour il a été trop loin. Une des prostituées a pris son courage à deux mains et a porté plainte à la police pour coups et blessures.

— Ça s’est passé quand ?

— Au milieu des années soixante. Il l’avait frappée avec une ceinture de cuir et lui avait tailladé les plantes des pieds avec une lame de rasoir. C’est ce qui était écrit dans sa déposition. C’est sans doute ce dernier détail, les lames de rasoir sur les plantes des pieds, qui a mis le feu aux poudres. D’un seul coup, ça devenait une perversion intéressante, ça donnait quelque chose de palpitant à lire. Le seul problème, c’est que la police se retrouvait avec une déposition contre le garant suprême de la sécurité en Suède, dont personne ne se souciait après tous les scandales juridiques des années cinquante. Donc, tout ça a été étouffé. La déposition a disparu.

— Disparu ?

— Elle s’est littéralement volatilisée.

— Mais la fille qui l’avait faite ? Que lui est-il arrivé ?

— Elle est subitement devenue propriétaire d’une boutique de prêt-à-porter très prospère à Västerås.

Wallander secoua la tête.

— Comment sais-tu tout ça ?

— Je connaissais à l’époque un journaliste qui s’appelait Sten Lundberg. Il avait décidé de fouiller dans ce bourbier. Mais quand on a su qu’il commençait à approcher de la vérité, on l’a mis au rancart. En fait, il a eu interdiction d’écrire.

— Et il l’a accepté ?

— Il n’a pas eu le choix. Il avait malheureusement un défaut qu’il ne pouvait pas cacher. Il jouait. Il avait de grosses dettes. D’après la rumeur, ses dettes de jeu ont été épongées d’un seul coup. Disparues, comme la plainte pour coups et blessures de la putain. Tout est revenu à la case départ. Et Gustaf Wetterstedt a continué à envoyer son morphinomane chercher des filles.

— Tu as dit qu’il y avait encore autre chose.

— Des bruits ont circulé selon lesquels il aurait été impliqué dans des trafics d’œuvres d’art volées en Suède, du temps où il était ministre de la Justice. Des tableaux qu’on n’a jamais retrouvés sont maintenant accrochés aux murs de collectionneurs qui n’ont aucune intention de les montrer au public. La police a arrêté un receleur une fois, un intermédiaire. Par erreur, il faut bien le dire. Et il a juré ses grands dieux que Gustaf Wetterstedt était impliqué. Mais bien entendu, on n’a jamais pu le prouver. L’affaire a été enterrée. Ils étaient plus nombreux à remettre la terre dans le trou qu’à creuser au fond.

— L’image que tu en donnes n’est pas bien agréable.

— Tu te souviens de ce que je t’ai demandé ? Si tu voulais la vérité ou les rumeurs. Ce qu’on dit de Gustaf Wetterstedt, c’est que c’était un politicien habile, un camarade de parti loyal, un homme aimable. Instruit et compétent. C’est aussi ce qu’on trouvera dans sa rubrique nécrologique. À condition qu’une des filles qu’il fouettait ne s’avise pas de crier ce qu’elle sait sur les toits.

— Que s’est-il passé quand il a démissionné ?

— Je crois qu’il ne s’entendait pas très bien avec un certain nombre de jeunes ministres. En particulier avec les femmes. Il y a eu un grand rajeunissement dans le gouvernement. Son temps était fini. Et le mien aussi. J’ai cessé de travailler comme journaliste. Après son retour à Ystad, je n’ai pas pensé à lui une seule seconde. Jusqu’à maintenant.

— Peux-tu imaginer que quelqu’un ait envie de le tuer, aussi longtemps après ?

Lars Magnusson haussa les épaules.

— Impossible de répondre.

Wallander n’avait plus qu’une question à poser.

— Te souviens-tu d’avoir entendu parler une fois d’un meurtre dans ce pays où la victime ait été scalpée ?

Le regard de Lars Magnusson s’aiguisa. Il regarda Wallander avec un intérêt soudain.

— Il a été scalpé ? Ils ne l’ont pas dit à la télé. Ils l’auraient dit s’ils l’avaient su.

— Ça reste entre nous, dit Wallander en regardant Lars Magnusson qui hocha la tête.

— Nous n’avons pas voulu lâcher cette information tout de suite, poursuivit-il. Nous pourrons toujours nous abriter derrière des raisons techniques. L’excuse classique de la police pour présenter des demi-vérités. Mais cette fois-ci, c’est pourtant vrai.

— Je te crois, dit Lars Magnusson. Ou je ne te crois pas. Aucune importance, de toute façon, je ne suis plus journaliste. Mais je n’ai aucun souvenir d’un meurtrier scalpeur. Il n’y a pas de doute, ça aurait fait une première page superbe. Ture Svanberg aurait adoré. Tu vas arriver à éviter les fuites ?

— Je ne sais pas, répondit Wallander avec franchise. Hélas, j’ai déjà eu un certain nombre d’expériences malheureuses.

— Je ne vendrai pas ton scoop, dit Lars Magnusson.

Puis il accompagna Wallander jusqu’à la porte.

— Mais comment peux-tu supporter d’être policier ? dit-il alors que Wallander était déjà sur le pas de la porte.

— Je ne sais pas. Si jamais je le sais un jour, je te tiendrai au courant.

Le temps s’était détérioré. Les rafales de vent s’étaient presque transformées en tempête. Wallander retourna à la maison de Wetterstedt. Des collaborateurs de Nyberg étaient en train de relever des empreintes digitales au premier étage. En regardant par la fenêtre, Wallander aperçut Nyberg perché sur une échelle branlante, à côté de la lampe du portail du jardin. Il était obligé de s’accrocher au poteau pour que le vent n’emporte pas l’échelle. Wallander songea à descendre l’aider, mais Nyberg avait déjà fini. Il alla à sa rencontre dans le hall.

— Ça pouvait attendre, dit Wallander. Tu aurais pu tomber, avec ce vent.

— Si j’étais tombé, j’aurais pu me faire mal, c’est sûr, dit Nyberg, irrité. Bien sûr, cette histoire d’ampoule pouvait attendre. On aurait pu l’oublier et ne jamais s’en occuper. Mais comme c’est toi qui me l’as demandé et que j’ai un certain respect pour ta façon de travailler, j’ai décidé d’aller jeter un œil à cette ampoule. Parce que c’est toi qui me l’as demandé.

Surpris par la déclaration de Nyberg. Wallander tenta de ne pas le laisser paraître.

— Et qu’as-tu trouvé ?

— L’ampoule n’était pas grillée. Elle était dévissée.

Wallander essaya de réfléchir rapidement à ce qu’on pouvait en conclure. Il décida de téléphoner.

— Attends une seconde, dit-il avant d’entrer dans la salle de séjour pour appeler Sara Björklund.

C’est elle qui répondit.

— Excuse-moi de te déranger si tard dans la soirée, commença-t-il. Mais j’ai besoin d’un renseignement. Qui changeait les ampoules chez Wetterstedt ?

— Lui-même.

— Même dehors ?

— Je crois. Il s’occupait lui-même de son jardin. J’étais probablement la seule à entrer dans sa maison.

En dehors des occupants de la voiture noire, pensa Wallander.

— Il y a un poteau avec une lampe à côté du portail du jardin, poursuivit-il. En général, était-elle allumée ?

— En hiver, quand il faisait nuit, il la laissait allumée tout le temps.

— C’est tout ce que je voulais savoir, dit Wallander. Merci pour ta réponse.

Il revint dans le hall.

— Peux-tu remonter encore une fois à l’échelle ? demanda-t-il à Nyberg. J’aimerais que tu mettes une nouvelle ampoule.

— Les ampoules de rechange sont dans la pièce qui donne dans le garage, dit Nyberg en enfilant ses bottes.

Ils ressortirent dans la tempête. Wallander tint l’échelle pendant que Nyberg remontait et revissait une ampoule. Elle s’alluma tout de suite, Nyberg remit le globe en place et redescendit de l’échelle. Ils allèrent sur la plage.

— Ça fait une grosse différence, dit Wallander. Ça éclaire jusqu’à l’eau.

— Précise-moi ta pensée, dit Nyberg.

— Le lieu du meurtre doit se trouver quelque part dans le secteur couvert par la lampe. Avec un peu de chance, nous arriverons peut-être à repérer des empreintes digitales sur le globe de la lampe.

— Tu veux dire que l’assassin a prévu tout ça ? Qu’il a dévissé la lampe parce qu’il faisait trop clair ?

— Oui. C’est à peu près ça.

Nyberg retourna dans le jardin avec l’échelle. Wallander resta là un instant, le visage cinglé par la pluie.

Les barrières étaient toujours là. Une voiture de police était garée juste au-dessus des dernières dunes. À part un homme en mobylette, il n’y avait plus un seul curieux.

Wallander retourna dans la maison.

Le guerrier solitaire
titlepage.xhtml
Le guerrier solitaire_split_000.htm
Le guerrier solitaire_split_001.htm
Le guerrier solitaire_split_002.htm
Le guerrier solitaire_split_003.htm
Le guerrier solitaire_split_004.htm
Le guerrier solitaire_split_005.htm
Le guerrier solitaire_split_006.htm
Le guerrier solitaire_split_007.htm
Le guerrier solitaire_split_008.htm
Le guerrier solitaire_split_009.htm
Le guerrier solitaire_split_010.htm
Le guerrier solitaire_split_011.htm
Le guerrier solitaire_split_012.htm
Le guerrier solitaire_split_013.htm
Le guerrier solitaire_split_014.htm
Le guerrier solitaire_split_015.htm
Le guerrier solitaire_split_016.htm
Le guerrier solitaire_split_017.htm
Le guerrier solitaire_split_018.htm
Le guerrier solitaire_split_019.htm
Le guerrier solitaire_split_020.htm
Le guerrier solitaire_split_021.htm
Le guerrier solitaire_split_022.htm
Le guerrier solitaire_split_023.htm
Le guerrier solitaire_split_024.htm
Le guerrier solitaire_split_025.htm
Le guerrier solitaire_split_026.htm
Le guerrier solitaire_split_027.htm
Le guerrier solitaire_split_028.htm
Le guerrier solitaire_split_029.htm
Le guerrier solitaire_split_030.htm
Le guerrier solitaire_split_031.htm
Le guerrier solitaire_split_032.htm
Le guerrier solitaire_split_033.htm
Le guerrier solitaire_split_034.htm
Le guerrier solitaire_split_035.htm
Le guerrier solitaire_split_036.htm
Le guerrier solitaire_split_037.htm
Le guerrier solitaire_split_038.htm
Le guerrier solitaire_split_039.htm
Le guerrier solitaire_split_040.htm
Le guerrier solitaire_split_041.htm
Le guerrier solitaire_split_042.htm
Le guerrier solitaire_split_043.htm
Le guerrier solitaire_split_044.htm
Le guerrier solitaire_split_045.htm
Le guerrier solitaire_split_046.htm
Le guerrier solitaire_split_047.htm
Le guerrier solitaire_split_048.htm